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“Ingéniosité et mutualisation pour mieux désherber”

Pour le maire de Laniscat, Joël Chevalier (au centre), « il faut être sensible à l'environnement et motivé » pour passer au zéro phyto. Pour Nicolas Delacotte, à la tête du service technique (à droite), « le zéro phyto demande un peu plus de travail, mais c'est pour la bonne cause ! » À gauche, son collègue Arnaud Le Denmat.

Joël Chevalier, maire de Laniscat (22), Nicolas Delacotte, responsable du service technique, et son coéquipier Arnaud Le Denmat, ont conduit en six ans la commune bretonne vers un entretien écologique des espaces verts, avec peu de moyens et beaucoup de volonté.

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Laniscat, petite commune bretonne de 830 habitants, est bien la preuve que le passage au zéro phyto est parfois plus une question de volonté que de moyens. Il y a une dizaine d'années, l'entretien des espaces verts était assuré « classiquement » par deux employés proches de la retraite. C'est après leur départ que la situation a évolué avec, d'une part, leur remplacement par des jeunes à la fibre plus écologique et, d'autre part, l'élection en 2008 d'un maire enclin à soutenir le changement des pratiques. Pour Joël Chevalier, l'ingéniosité de ses agents et la mutualisation du matériel ont permis de mieux désherber la commune.

« Ça me rendait malade de pulvériser les trottoirs de produits chimiques », raconte Nicolas Delacotte, se remémorant la période où il travaillait avec les « anciens ». « Je me disais : “Je ne vais pas faire ma carrière à passer des phytos dans le bourg !” » Dès qu'il a pris les rênes du service technique, le jeune homme a commencé à changer les méthodes de travail, avec l'aide de son coéquipier Arnaud Le Denmat et la bénédiction du maire, investi dans le fleurissement de la commune. Une première étape a consisté à planter haies bocagères et jachères fleuries. La mairie a ensuite développé un plan de désherbage et s'est orientée vers le zéro phyto. Au programme : diminution des produits chimiques, paillage (copeaux d'élagage...), désherbage mécanique... La gestion environnementale mobilise et éveille l'ingéniosité des services techniques. L'arrêt des produits phytosanitaires génère un surcroît de travail, notamment dans les allées gravillonnées du cimetière. En 2009, Nicolas Delacotte, inspiré par l'ancestrale bineuse à betterave, a l'idée d'apparier une lame et un cadre de vélo pour remplacer la binette, efficace mais coûteuse en temps. Les agents fabriquent leur prototype (un poteau de signalisation fournit le métal de la lame) et le testent avec succès.

Le « sarcloir pousse-pousse », créé en 2009, permet de nettoyer efficacement et de manière écologique les zones gravillonnées du cimetière, des abords de l'église et du monument aux morts, ainsi que l'aire sablée du boulodrome. « Nous passons une heure à une heure trente toutes les semaines à entretenir chaque cimetière, précise Nicolas Delacotte. Avant, nous brûlions les adventices, mais elles repoussaient vite, nous avons donc abandonné cette méthode. » L'entretien du boulodrome au pousse-pousse et râteau nécessite une heure trente.

Le « vélo-binette » ou « binette cyclopédique » a été récompensé du prix de l'innovation par le conseil régional de Bretagne dans le cadre du prix Zéro Phyto 2013. Le prix Zéro Phyto distingue les communes bretonnes qui n'utilisent plus de produits phytosanitaires, notamment après avoir signé la charte d'entretien des espaces communaux et mis en place un plan d'entretien communal. L'outil a fait des émules : plusieurs bourgs de la région ont construit (ou acheté à un fabricant) des instruments inspirés par le modèle de Laniscat.

« Avec le zéro phyto, le résultat n'est jamais nickel », précise Arnaud Le Denmat. « Il faut que les gens s'habituent à voir un peu de verdure », continue son collègue. « Pour moi, la verdure c'est un signe de propreté. Quand les gens me disent que c'est sale, je leur réponds que c'est lorsque l'endroit est traité chimiquement que c'est sale... » Dans les interstices des murets et aux pieds de certains murs, les deux agents ont semé des graines d'Erigeron avec un peu de terreau et de sable, pour remplacer les pissenlits. Les fleurs se ressèment désormais toutes seules. Dans les nouveaux massifs, ils installent du paillage pour limiter les adventices : des broyats, du gravier ou des ardoises recouvrent une bâche plastique...

Laniscat mutualise les moyens afin de réduire les coûts financiers. Ainsi, la plupart des plants sont produits dans la serre commune avec Saint-Gelven, le village voisin. En 2011, les deux bourgs se sont associés pour acheter deux outils facilitant l'entretien des trottoirs, zones pavées, etc. : une balayeuse (porte-outil équipé d'un balai et d'une brosse latérale, fabricant Kersten) ; un porte-outil à conducteur marchant équipé d'une brosse de désherbage métallique (90 cm de large, fabricant : Kersten également) pour retirer herbes et mousses des rues, dallages, terrain de tennis et sentiers piétonniers (coût des deux machines : 15 000 euros HT). Les deux communes ont bénéficié d'une aide de la Région Bretagne, de l'Agence de l'eau, et d'une dotation parlementaire, pour un total de 80 % de l'investissement. Elles se sont partagé la dépense restante à hauteur de 60 % pour Laniscat et 40 % pour Saint-Gelven. Une convention précise également la répartition des charges d'entretien et de maintenance (60 % et 40 %). Le temps d'utilisation dans l'année n'est pas très long – une dizaine de jours, deux à trois passages par an – et chaque service utilise l'équipement à sa convenance. Seule contrainte : trouver la bonne inclinaison de la brosse selon le revêtement à nettoyer. Laniscat loue un broyeur pour ses déchets d'élagage, mais la communauté de communes du Kreiz-Breizh (CCKB) va bientôt en acheter un (33 000 euros HT) pour le mettre à disposition. Elle envisage également de créer une plate-forme de déchets verts.

Valérie Vidril

www.lienhorticole.fr Retrouvez la démonstration de l'outil en rubrique Photos&Vidéos.

L'outil fabriqué par les deux agents combine un cadre de vélo et une lame. La lame passe sous les gravillons ou le sable et arrache les racines.

Le prototype dispose d'un support de lame moins large qui permet de passer entre les tombes, sans les abîmer. Des « ailettes » (dépassement de la lame de part et d'autre du cadre du sarcloir) permettent de désherber les bordures.

Dans ce massif installé en 2014, des morceaux d'ardoise et du gravier positionnés sur une bâche plastique limitent le développement des adventices.

Pour prendre la place des pissenlits, des Erigeron sont semés au pied des murs.

Laniscat s'est associée avec Saint-Gelven, la commune voisine, pour acheter deux outils : un porte-outil à conducteur marchant équipé d'une brosse de désherbage métallique (au fond) et une balayeuse (porte-outil équipé d'un balai et d'une brosse latérale).

La lame – ici, celle du premier prototype – ne nécessite pas d'affûtage. « Il faut juste trouver la bonne inclinaison. »

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